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L’absence du nom du clerc d’huissier significateur dans l‘acte de signification ne constitue pas une cause d’irrégularité de la signification
Publiée le mardi 28 mai

L’absence du nom du clerc d’huissier significateur dans l‘acte de signification ne constitue pas une cause d’irrégularité de la signification    

Cass. civ.2e, 11 avril 2019, n°17-23272, publié au Bulletin

L’absence de la mention du nom du clerc significateur dans l’acte de signification ne constitue pas une cause irrégularité devant entraîner la nullité de celui-ci : tel est l’enseignement majeur véhiculé par l’arrêt rendu, le 11 avril 2019, par la chambre spécialisée en procédure civile de la Haute juridiction. Cet arrêt de la deuxième chambre civile met au-devant de la scène procédurale le collaborateur rapproché de l’huissier de justice, le clerc significateur.

En l’espèce, une ordonnance du conseiller de mise en état a déclaré irrecevable comme tardive l’opposition d’une partie défaillante formée le 24 juillet 2015 à l’encontre d’un arrêt rendu par défaut le 9 avril 2015, et signifié par procès-verbal de signification à domicile le 19 juin 2015. Selon, la partie défaillante, cette notification serait faite par un clerc significateur.

Contestant la régularité de la notification d’un arrêt rendu par défaut, réalisée le 19 juin 2015, le plaideur s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 16 février de la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 3) ayant confirmé l’ordonnance du conseiller de mise en état en ce qu’elle a déclaré son appel irrecevable. Il a développé deux moyens dans son pourvoi. Mais, seul le premier moyen a été analysé par la Haute juridiction. Le second a été considéré comme manifestement infondé. Le demandeur au pourvoi avait divisé son premier moyen en deux branches. Et, celles-ci ont été fondées chacune sur un cas d’ouverture à cassation indépendant, violation de la loi et le défaut de base légale, respectivement.

D’abord, par la première branche, le demandeur au pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir violé des articles 6 et 7 de la loi du 27 décembre 1923, ensemble de l’article 648 alinéa 3, du code de procédure civile et l’article 1 de l’ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945 et l’article 6§1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour avoir décidé que l’identité du clerc significateur n’a pas à figurer dans le procès-verbal de signification de l’arrêt du 9 avril 2017 . Le demandeur au pourvoi a complété son argumentation en soutenant que la mention de l’identité du clerc dans le procès-verbal de signification a pour vertu de contrôler son habilitation à se substituer à l’huissier de justice dans l’exercice de son monopole légal de signification des actes judiciaires ; et ainsi leur donner la solennité et la force d’un acte de procédure authentique.

Ensuite par la seconde branche, le demandeur au pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard toujours des dispositions précédemment mentionnées, pour n’avoir pas cherché si la signification de l’arrêt du 9 avril 2017 résulte de l’œuvre d’une personne légalement autorisée à remplacer l’huissier compétent, tel qu’un clerc assermenté. Enfin, le demandeur au pourvoi a parachevé son argumentation en soutenant que la mention de l’identité de l’intermédiaire qui se substitue à l’huissier de justice était une exigence minimale, car il permet, d’une part, au destinataire de s’assurer de la régularité de l’acte et, d’autre part, permet aux juges en cas de litige, de garantir cette identité par un contrôle effectif et in concreto.

L’absence de mention du nom d’un clerc de l’huissier de justice ayant procédé à la signification d’un acte de procédure constituait-elle une cause d’irrégularité de l’acte ?

Souscrivant à l’analyse de la cour d’appel, la Haute juridiction a répondu par la négative en rejetant le pourvoi aux motifs « qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose que le nom du clerc d’huissier de justice assermenté ayant procédé à la signification d’un acte figure sur celui-ci […] ».

Observations :

Pour la cour de cassation, l’absence du nom du clerc d’huissier de justice ayant procédé à la signification d’un acte de procédure n’est pas une condition de validité de l’acte signifié. La solution posée par l’arrêt du 11 avril 2019 n’est qu’une simple application du droit positif.

En effet, ni le Code de procédure civile, ni le Code des procédures civiles d’exécution, ni la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers de justice blessés et à la création des clercs assermentés n’édictent une telle condition. L’absence d’une telle condition n’a pas manqué d’être rappelé par la Haute juridiction dans son dernier attendu : « Mais attendu qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose que le nom du clerc d’huissier de justice assermenté ayant procédé à la signification d’un acte figure sur celui-ci.[…] ». La Haute juridiction a donc rejeté l’argumentation du demandeur au pourvoi qui soutenait dans la première branche de son moyen que « que pour assurer la régularité du procès équitable, tous les actes judiciaires et extrajudiciaires doivent, à peine de nullité, être signifiés par huissier de justice ou clerc assermenté et tout acte d’huissier de justice doit se suffire à lui-même et établir sa régularité en indiquant les nom et prénoms de l’huissier de justice et celui du clerc assermenté, et la signature, pour permettre au destinataire et aux juges, en cas de litige, de vérifier qu’il a effectivement qualité pour instrumenter ».

La Cour de cassation a considéré, d’une part, que la seule signification par un clerc laisse établir que les exigences de l’article 7 de la loi de décembre 1927 ont été satisfaites par l’huissier de justice ; que d’autre part, qu’il importait peu que le procès-verbal de signification ne mentionne pas l’identité du clerc significateur dès lors que la SCI Aramis justifiait avoir fait signifier au demandeur au pouvoir, M.U…T, l’arrêt rendu le 9 avril 2015 par acte d’huissier de justice délivré le 19 juin 2015 par procès-verbal de signification à domicile à une adresse dont il n’est pas contesté qu’elle constituait bien le domicile du destinataire.

Toutefois, en dépit du rejet du pourvoi, il convient de relever que l’argumentation développé par le demandeur au pourvoi n’est pas dénuée de pertinence. D’ailleurs, ce rejet rend discutable la solution posée par la Cour de cassation.

En effet, comme l’a fait valoir le demandeur à la cassation, la mention de l’identité du clerc significateur contribue à contrôler la régularité des actes notifiés. Etant donné que le clerc n’est pas habilité à signifier tous les actes du procès. En effet, ce dernier n’est compétent que pour notifier seulement certains actes, tels que par exemple les jugements (v., Cass. civ.2e, 27 février 2014, n°13-11.957, Procédures n°5, mai 2014, comm. 139, obs. Perrot : « La signification d'un jugement ne constituant pas, en soi, un acte d'exécution, c'est à bon droit, que la cour d'appel a déclaré régulière la signification du jugement d'expulsion par un clerc significateur ». ), les actes de dénonciation de saisie (Cass. 2e civ., 12 oct. 2006, n° 05-10.850, Procédures n°2, Février 2007, comm. 41  obs. Perrot : « Les actes de dénonciation de saisie ne sont pas des actes d'exécution et peuvent donc être délivrés par un clerc assermenté ».), car ceux-ci ne constituent pas d’exécution forcée, selon la jurisprudence.

En revanche, s’agissant des actes d’exécution forcée, seul l’huissier est compétent pour leur notifier. Il en va ainsi, par exemple, pour le commandement de payer valant saisie immobilière (Cass. civ.2e,14 oct. 2010, n°09-69.580, D. 2011. 1509, obs., Leborgne., .A.), de l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution (Cass. civ. 2e, 25 février 2014, n°13-25.552, Procédures 2014, comm. 319, obs. Ch. Laporte).  Aucun de ces deux actes cités ne peuvent faire l’objet d’une notification par voie délégation à clerc significateur (en ce sens, v. (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n° 04-17.514, FS-P+B, Procédures n° 11, novembre 2006,  comm. 237, obs. Perrot : « La signification des actes d'exécution est de la compétence exclusive des huissiers de justice, à l'exclusion des clercs assermentés »). Et, pour ces actes relevant du monopole de l’huissier de justice, l’article 7 de la loi du 27 décembre 1923 auquel la Cour de cassation a fait référence dans son attendu final ne semble pas recevoir application, puisque ces actes même après leur signature par l’huissier de justice, ne peuvent pas être notifiés par un clerc, selon le législateur et  la jurisprudence. (Á propos de cette protection légale du monopole de l’huissier de justice, v.,: l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923 et l’article 16 du décret du 26 février 1956 et sur le plan jurisprudentiel, v., l’arrêt de la deuxième chambre relative à la nullité des actes de  saisie-attribution signifiés par un clerc après leur signature par l’huissier de justice : Cass civ.2e, 28 juin 2006, n°14-17514, op. cit. : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que les procès-verbaux, bien que signés par l’huissier de justice avaient été signifiés par un clerc assermenté, la cour d'appel a violé les textes susvisés [à savoir, l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923 relative à la création de clercs assermentés, ensemble les articles 18 de la loi n°91-650 du 9 juillet et 56 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992] ».

 Dans cet ordre d’idées, le Professeur Roger Perrot a estimé que cette exigence de la présence de l’huissier de justice est conforme à l’esprit de l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923, « toutes les fois que l'acte emporte indisponibilité ou attribution des biens, c'est-à-dire lorsqu'il réalise une mainmise sur les biens du débiteur ; et cela sans distinguer selon qu'il s'agit d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire : v. Procédures n° 2, février 2007,  comm. 41, obs. Perrot ». Le raisonnement du demandeur au pourvoi s’inscrivait dans la droite ligne de cette logique de vérification de l’identité exacte de la personne ayant notifié l’acte. Cette invitation au contrôle formulée dans le pourvoi, et auquel la cour d’appel ne s’est pas livré contribue pourtant à la consolidation du monopole des huissiers de justice. Les motifs d’invitation à ce contrôle semblent être nourris par une suspicion de l’absence d’habilitation du clerc supposé avoir notifié l’acte, en l’occurrence, l’arrêt d’appel.

Mais, à supposer, en l’espèce, que l’arrêt dont la rétractation est poursuivie ait été signifié par un huissier de justice, comme d’ailleurs le soutenait la SCI défenderesse à la cassation : comment alors contrôler le respect du monopole de l’huissier dans les autres hypothèses ?  Est-ce par la mention du nom de l’acteur de la notification comme le suggérait le demandeur au pourvoi ou la mention de sa seule qualité suffit ?  La réponse à cette question varie selon qu’on envisage le cas d’huissier de justice lui-même ou celui-ci de son clerc.

D’abord, pour l’huissier, la mention de sa qualité dans le procès-verbal de signification ou en fin d’acte que la pratique nomme le « parlant à » devrait suffire à établir la véracité de son titre d’Huissier de justice. D’autant que tous les huissiers sont nommés par arrêté du garde des Sceaux. Et, les arrêtés de nomination sont généralement publiés au journal officiel, et donc normalement accessible à tout plaideur intéressé (Pour plus, sur la nomination des huissiers v. lochouarn, (d.), La profession : huissier de l’huissier de justice, EJT, p.49). D’ailleurs, les huissiers de justice sont censés justifier leur qualité dans l’exercice de leur ministère, c’est l’objet de la substance de l’article 17 de l’ordonnance du 26 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice. Cet article dispose que : « Dans l'exercice de leurs fonctions, les huissiers de justice justifient de leur qualité en présentant une carte professionnelle dont le modèle et le mode de délivrance sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice »,(Pour plus en ce sens, v., guinot, (th.), Huissier de justice : Normes et valeurs, Ethiques, déontologie, discipline et normes professionnelles, EJT, Paris 2017, p.180).

Ensuite, s’agissant de clercs, la mention de leur simple qualité ou de titre de clerc sans leur identité exacte ne rend pas facile leur identification ni par les simples justiciables ni par leurs mandataires d’où l’idée de mention de leur identité dans les actes qu’ils peuvent être amenés à notifier. De plus, la plupart de ces clercs, contrairement aux huissiers de justice, ne disposent pas nécessairement d’une carte professionnelle. Une telle situation a pour conséquence de nourrir de doutes l’effectivité de leur habilitation. D’autant plus que : « Le nombre des clercs assermentés n’est pas limité par l’office d’huissier de justice ,v., en ce sens chardon, (m.), douchy-oudot, (m.), gensollen, (s.), guinchard, (e.),  litvinski,  (d.),  et  menut, (b.), Transmission, signification ou notification des actes, 2e éd., Lexis Nexis, Paris, 2014, p. 12. »

Aux clercs significateurs attachés à l’étude d’huissier s’ajoutent également les clercs significateurs affiliés à un bureau commun et destinés à épauler - dans les grandes villes - les études d’huissier. De même, au sein de certaines études se trouvent également une autre catégorie de clercs, les clercs seulement habilités aux constats dont leur sort a été réglementé par le décret de septembre 1992 (v. le décret n°92-984 du 9 septembre relatif aux conditions de nomination des clercs d’huissiers de justice habilités à procéder aux constats). Mais, la tentation de confier à ces derniers des notifications face à certaines situations d’urgence absolue est grande. En conséquence et conformément à la thèse du demandeur au pourvoi, la mention de leur identité ne peut faire qu’accroître la confiance placée dans l’officier ministériel, huissier de justice, qui est leur commettant.   

D’ailleurs, dans les années 2000, la suggestion de la mention du nom du clerc dans l’acte de notification a fait l’objet d’une réponse ministérielle suite à la question posée par Mme Annette Peulvast-Bergeal, le 04 décembre 2000, à la garde des Sceaux de l’époque sur l’existence de pratiques qui consistaient à faire délivrer des actes du procès par des agents non assermentés (v., Question n°54559, publiée au JO du 04/12/2000, p.6824). Il a été prévu d’inscrire une disposition visant à rendre obligatoire la mention du nom du clerc significateur dans l’acte de notification. Il n’est, d’ailleurs, pas inintéressant de mentionner un extrait de la réponse ministérielle à la question de Mme Annette Peulvast-Bergeal : « Dans un souci de lisibilité, il pourrait être envisagé de compléter les règles régissant la forme des actes d’huissier en exigeant la mention de l’identité du clerc instrumentaire. Cette indication permettrait aux justiciables de contrôler l’assermentation de la personne ayant procédé à la signification. Les modifications à apporter pourraient à cet égard s’inspirer des règles applicables aux constats dressés par les clercs habilités à cet effet, lesquels signent les procès-verbaux, l’huissier civilement opposant quant à lui son contreseing (ar.1er bis de l’ordonnance n°45-1945.» (v., L’intégralité de la réponse ministérielle  publiée au JO du 05/02/ 2001, p.846).

Finalement il n’en a rien été, puisqu’aucune disposition normative n’a été prise en ce sens jusqu’au jour de cet arrêt. Cependant, la réforme projetée par la Chancellerie était protectrice tant pour les droits des destinataires des actes du procès que la confiance placée aux actes des huissiers de justice. Ceux-ci sont des actes authentiques devant être placés au-dessus de toute tactique procédurière, (Pour plus sur l’authentique des actes d’huissiers, aynès, (l.), (dir.), L’authenticité, 2e éd., La documentation Française, 2013 p. 53, spéc. n°31.) Cette tactique procédurière semble être caractérisée, en l’espèce, puisque l’opposition contre l’arrêt d’appel a été formée hors le délai d’un mois prévu à l’article 538 du CPC. N’ayant plus d’autre fondement, le plaideur s’est attaqué à l’acte de notification, mais sans soulever un incident de faux contre l’acte d’huissier.

 En fin, la réforme aurait eu également comme vertu de rehausser la qualité de la notification qui intègre aussi le socle du procès équitable (v. CEDH, 31 mai 2007, Miholapa c./ Lettonie, req. n°61655 /00, §23, D.2007, 2427, obs., Fricero, N. : « les principes dégagés de l’article 6§1 de la Convention européenne s’appliquent « également dans ce domaine particulier qu'est la signification et la notification des actes judiciaires aux parties ».

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